isaac, c'est l'ennui, la lassitude de vivre, le vide de l'existence incarné. non pas qu'il soit ennuyeux : il est victime de cet ennui. ressenti tous les jours, depuis des dizaines, centaines d'années déjà.
il ne se souvient plus de tout, les jours s'effacent, les uns après les autres, tous insignifiants. il a remarqué que les humains sont facilement bouleversés par les aléas de la vie : mais lui, ça fait tellement longtemps qu'il doit supporter le monde qu'il entoure, que même les pires événements finissent par s'estomper.

il est né dans une famille de la noblesse à l'époque où la corée n'avait rien à voir avec aujourd'hui, à l'époque où le systèmes des dynasties était probablement toujours en vigueur.
à vingt-quatre ans, il venait d'entrer dans l'armée, puisque l'empire chinois tentait de conquérir le royaume. ses parents voulaient lui donner une épouse. il n'avait jamais pensé à leur désobéir : en revanche, il se retrouvait contraint à cacher une orientation sexuelle loin d'être tolérée à l'époque - et qui éprouve toujours des difficultés à l'être -
c'est quelque mois plus tard qu'il fit sa rencontre : un jeune homme du même âge probablement, d'une beauté à couper le souffle, d'un talent au combat impressionnant. leur relation fut bien plus forte, et dura bien plus longtemps qu'il n'aurait jamais osé l'espérer. et ils finirent par passer une nuit ensemble, dans le plus grand secret : isaac ne ressortit pas humain de cette soirée. il s'était fait mordre.

quelques semaines plus tard, le vampire avait disparu. et isaac était toujours là, changé à jamais. ses parents moururent de vieillesse : il eut une femme qui connut le même destin. et lui ne prenait pas une ride. douloureux, de voir les proches partir, sans changer, sans rien faire. sans même savoir comment il était devenu comme ça, sans savoir ce que lui avait réellement voulu celui qui lui avait donné l'immortalité, et où il était parti.
il finit par l'oublier, comme tous les autres.
et l'ennui commença à se propager, sournoisement, comme une maladie. après des décennies, plus d'un ou deux siècles à travailler, changer de métier, s'enseigner à toutes les vocations, changer d'identité, isaac roulait sur l'or. argent qui lui servait à se payer de plus en plus belles demeures, à s'enfermer dans des cages luxueuses, à se cultiver sans intérêt, simplement pour s'adapter aux époques changeantes, aux cultures, aux évolutions.

puis il rencontra mingyu. ce n'était pas une rencontre, en fait. il l'avait aperçu. juste aperçu. c'était un gamin adorable, et isaac un vampire millénaire blasé de tout ce qu'il voyait.
et il commença à le suivre. partout. au début, simplement par ennui, probablement. il s'était dit qu'il verrait quoi en faire en temps voulu. il pensait à un simple divertissement. il se contentait de marcher derrière lui dans la rue, de l'observer dans sa chambre, animé par une sorte de curiosité malsaine. sans même qu'il n'ait eu le temps de s'en rendre compte, le simple divertissement était devenu une obsession qui avait duré plus de dix ans. une décennie, pour isaac, c'est si court, après tout. mais le jeune mingyu grandissait. devenait vraiment attirant. adorable. parfait.

le vampire avait perdu tout discernement.
puis il y eut le jour de l'accident.
isaac se retrouva penché au dessus du corps agonisant de l'homme auquel il était devenu accro sans jamais lui avoir adressé la parole : et sans avoir jamais été aussi proche de lui. il sentait sa vie partir à toute vitesse. il n'eut pas à réfléchir bien longtemps.
il en fit un de ses semblables, parce qu'il ne pouvait pas s'imaginer une seule seconde vivre sans lui - probablement un peu dérangé, admettons-le.

et il y eut les remords. lui qui a vécu en regrettant de ne pas avoir une existence éphémère, lui qui a regretté sans cesse sa nature de vampire, il a infligé la même chose à sa raison de se lever chaque matin depuis à présent quinze ans. égoïste et dégoûtant. il s'est enfui après l'avoir mordu, laissant mingyu se réveiller, guéri de ses blessures mortelles, sans connaitre son sauveur.
et il n'a pas osé venir le voir. il fait comme il l'a toujours fait, depuis quinze ans : il l'espionne, il le regarde, il le surveille, il prend soin de lui. de loin.